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France, qu’as-tu fait de ta Presse ?

9 novembre 2010 1 commentaire

La presse et les medias en général dont l’indépendance se voit chaque jour davantage mise à maapparaissent de plus en plus comme une des victimes collatérales de la présidence Sarkozy. De la mainmise du président sur les médias, aux récents vols de portables et à la violation du secret des sources dont on été victimes plusieurs journalistes récemment, jusqu’au calamiteux résultat d’un classement comparant la liberté de la presse dans plusieurs pays, retour sur une triste série qui en dit long sur l’état du paysage médiatique en Sarkozyie.

Tentatives de mise au pas

Les hostilités ont commencé cet été, avec l’affaire Bettencourt, révélée et alimentée par le site Mediapart, puis le quotidien Le Monde. On se souvient des « éléments de langage » que l’Elysée servait alors aux perroquets de la majorité, les Copé, Morano et autres Lefebvre. Ils tournaient tous autour du même thème, faisant écho aux périodes les plus noires de notre histoire. On vit ainsi fleurir au long d’interviews et d’interventions télévisées des « méthodes fascistes », « presse des années 30 », « méthodes vichystes », et autres perles sentant bon le pétainisme. Tout ceci émanant d’un gouvernement qui dans le même temps envisageait de multiplier les déchéances de nationalité (du jamais vu depuis … Pétain) et qui ne supportait pas que ces mêmes critiques ne puissent lui être adressées.

Il y eut aussi la bien maladroite – mais tellement significative d’un certain état d’esprit – intervention du monarque lui-même pour empêcher Le Monde de tomber dans des mains ennemies – 2012 n’est jamais loin pour l’hôte du Faubourg St Honoré. Plus tard dans la même veine vint la menace d’une prise de contrôle de Serge Dassault – propriétaire duFigaro et voix de son maître – dans Le Parisien, journal populaire à l’influence clé en vue de la campagne de 2012. Tentative soutenue en sous-main par l’Elysée qui se préparait à publier les bans, heureusement avortée.

Violation des sources

Mais le plus grave était encore à venir. Les derniers mois ont vu de sérieuses menaces quant à la protection du secret des sources des journalistes. Tout a commencé avec l’intervention, sur ordre de l’Etat, de la DCRI – le contre-espionnage français – pour identifier les sources du quotidien Le Monde. Cette enquête – classée depuis « secret défense » –  a permis d’identifier l’auteur des sources (David Sénat, un des très proches collaborateurs de Michèle Alliot-Marie, mis à pied depuis).

Et l’exemple venant d’en-haut, c’est le très accommodant Courroye – censé par sa fonction être gardien de la loi, en tout cas la connaître – qui a joué la même partition, tentant lui aussi de percer le secret des sources des journalistes du Monde. Victoire à la Pyrrhus pour le juge, cet acte en effet, bien que dicté par la haine qu’il voue à sa consoeur de Nanterre Isabelle Prévost-Déprez, n’en restait moins pas illégal et lui valut d’être dessaisi du dossier, à son grand regret. Dans les propres termes un rien grandiloquents d’un homme qui se tient en haute estime, le dessaisissement laisse une « Symphonie inachevée ». On se permettra de douter que cela soit une si mauvaise affaire que ça pour la justice.

Vols de portables

Ensuite vinrent les rocambolesques « vols de portables ». A quelques jours de différence, furent en effet dérobés des portables et disques durs de journalistes du Monde, du Point et de Mediapart, ayant en commun de tous enquêter sur l’affaire Woerth-Bettencourt. Dans un climat lourd de soupçons, tous les regards se tournent vers le sommet de l’Etat, tant à cause du professionnalisme observé dans ces 3  affaires,  que de l’intérêt à récupérer pour l’Etat à identifier les sources des journalistes dans cette affaire touchant jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.

C’est dans cette atmosphère que Nicolas Sarkozy, interrogé à Bruxelles à ce titre – au lieu de profiter de l’occasion pour dire son attachement en tant que président de la République à la liberté de la presse, n’a eu que cette tirade mémorable :

J’vois pas en quoi cela me concerne. Vous attendez un commentaire de moi sur une enquête. Je vois pas en quoi ça peut concerner le chef de l’Etat. Je vois trop ce qu’un commentaire de ma part pourrait amener comme commentaire de la vôtre.

Sarko_Plantu_En_quoi_ça_me_concerne

Cellule d’espionnage des journalistes

Le dernier volet de cette série a éclaté la semaine dernière, Le Canard accusant nommément Nicolas Sarkozy d’avoir mis en place une surveillance systématique de journalistes enquêtant  sur des affaires touchant de trop près la Sarkozyie. Les deux responsables de la DCRI et de la police nationale, Bernard Squarcini et Frédéric Péchenard, ont beau avoir été entendus par une délégation de parlementaires, et avoir affirmé main sur le coeur qu’il n’existait bien-sûr pas de telle cellule, le doute persiste.

Le pouvoir se devait de riposter et de tenter de reprendre la main. C’est chose faite, dans la plus pure veine sarkozyste, via un dépôt de plainte (Nicolas Sarkozy passera à la postérité comme le président ayant le plus porté plainte de toute l’histoire de la Ve République). Claude Guéant a en effet fait part de son intention de porter plainte contre Mediapart pour « diffamation par voie de citation directe », Squarcini devrait en faire de même bientôt.

Classement Reporters sans Frontières

Entre tentatives d’intimidation, violation des sources, vols de portables et soupçons de cellule d’espionnage des journalistes, on ne peut qu’être inquiet sur le statut de la presse en France. Inquiétudes qui sont encore plus renforcées par la publication récente du classement annuel de la liberté de la presse. Reporters sans Frontières classe la France en …44e position, derrière notamment la Namibie, le Ghana, la Lettonie et la Pologne. L’association explique notamment ce rang médiocre par la violation de la protection des sources, concentration des médias, mépris et même impatience du pouvoir politique envers les journalistes et leur travail, convocations de journalistes devant la justice.

Beau palmarès pour une République irréprochable.

Y aurait-t-il une justice indépendante en France ?

17 octobre 2010 1 commentaire

Nouveau rebondissement dans l’affaire Woerth-Bettencourt : Jean-Louis Nadal, le plus haut représentant du parquet, demande au procureur Courroye, proche de Nicolas Sarkozy, et jusque-là seul en charge du dossier de transmettre l’affaire à un juge d’instruction, mesure réclamée jusqu’alors par à peu-près tout ce qui ne porte pas casaque UMP.

Jean-Louis Nadal

C’est Corine Lepage qui a pris l’initiative cet été de demander à Jean-Louis Nadal si il y avait motif ou non dans le cadre de l’affire Woerth-Bettencourt de saisir la Cour de Justice de la République (CJR), instance habilitée à juger les fautes commises par des ministres en exercice.

Le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, s’est donc fait communiquer les résultats des enquêtes en cours et a officiellement recommandé la saisie d’un juge d’instruction, recommandant au procureur général de Versailles (supérieur hiérarchique de Courroye) que :

les investigations se poursuivent dans le cadre de l’information judiciaire (c.à d. par la désignation d’un juge d’instruction), seul cadre procédural de droit commun existant (qui permette) le strict respect des droits de la défense, par l’accès à la procédure et l’assistance d’un avocat.

Toutefois, Jean-Louis Nadal, estime ne pas disposer de suffisamment d’éléments à ce stade de l’enquête pour se prononcer sur un renvoi de l’affaire devant la CJR.

Ce dernier va encore plus loi – et cela fera sourire ceux qui ont suivi l’affaire – ce dernier s’étonne qu’aucune enquête n’ait encore été ouverte dans le cadre de la vente d’une parcelle de la forêt de Compiègne réalisée par Mr Woerth peu de temps avant son départ du Ministère du Budget dans des conditions prêtant à suspicion. Et demande au procureur général de Paris :

de lui adresser tous les éléments utiles (concernant) la cession d’une parcelle de la forêt domaniale de Compiègne (une décision contestée de Woerth qui n’a pour l’instant donné lieu à aucun développement judiciaire).

Mais ne nous réjouissons pas trop vite, l’indépendance de la justice étant en France sous Nicolas Sarkozy ce qu’elle est, et les demandes de Jean-Louis Nadal n’ayant pas de valeur directive, il est encore fort probable que l’enquête reste dans les mains de Courroye, qui a adressé une fin de non-recevoir à cette demande. Ce dernier a d’ailleurs aussitôt fait savoir qu’il allait « continuer ses investigations », suggérant du même coup qu’il n’entendait aucunement passer la main.

Appart Nicolas Sarkozy île de la Jatte

Rappelons pour la petite histoire que ce procureur est un « ami » de Nicolas Sarkozy, qu’il avait lui-même classé sans suite l’enquête sur l’achat de l’appartement de ce dernier sur l’île de la Jatte au groupe immobilier Lasserre (dépendant des permis de construire de la mairie) alors qu’il était maire de Neuilly-sur-Seine. Nicolas Sarkozy était à l’origine des faits suspecté de prise illégale d’intérêts et de corruption passive avec enrichissement personnel…

Gageons dans cette situation qu’il est donc aussi peu probable de voir confier à un juge d’instruction l’enquête sur Woerth, que de voir la chimérique commission d’enquête demandée par l’opposition se mettre en place.

Pour qui court Philippe Courroye ?

25 juillet 2010 3 commentaires

Malgré de nombreuses voix s’élevant contre la gestion du dossier par le procureur Courroye, ce dernier s’accroche au dossier Woerth-Bettencourt, multipliant les enquêtes. Au risque de rendre un jugement qui n’apparaisse crédible qu’aux yeux de la majorité.

Sarkozy Philippe Courroye

Les diverses demandes de l’opposition pour faire la lumière sur la triste affaire Woerth-Bettencourt se sont avérées jusque-là infructueuses.

Une commission d’enquête parlementaire ? Acceptée sur le principe par Accoyer, mais renvoyée à Septembre – sur le mode « il est urgent d’attendre pour enterrer l’affaire Woerth-Bettencourt », il est fort probable qu’elle ne voie jamais le jour. Et qu’elle subisse le même sort que la commission d’enquête demandée par l’opposition sur les sondages de l’Elysée l’année dernière.

Le dépaysement de l’affaire dans un autre tribunal demandé par Martine Aubry et d’autres personnalités de l’opposition ? Accueilli par un silence méprisant, cette option n’a jamais été vraiment considérée.

Quant à la nomination d’un juge d’instruction, on ne semble pas non plus en prendre le chemin…

Mais au fait que reproche-t-on exactement au procureur Courroye ? Et en quoi cet ex-chevalier blanc de la Justice en son temps ne serait-il pas à même de dénouer les fils de cette ténébreuse affaire ?

La vérité est que le procureur Courroye est trop impliqué dans l’affaire pour pouvoir rendre un jugement au-delà de tout soupçon.

Premier élément troublant: on se trouve là en face d’un curieux cas d’école, dans lequel le procureur se trouve être juge et partie : en effet, ce dernier est cité dans les écoutes qui constituent le point de départ de l’Affaire…

Ce cas d’école réjouira peut-être les juristes, elle n’en inquiète pas moins les tenants d’un jugement impartial.

Ensuite, ce procureur se vante ouvertement d’être « l’ami » d’un des protagonistes de l’affaire, Nicolas Sarkozy, qui l’a décoré de l’Ordre du Mérite.

« Ami » auquel il a rendu un fier service dans l’affaire Lasserre, dans laquelle le Président était soupçonné de…prise illégale d’intérêts et de corruption passive avec enrichissement personnel. L’affaire – la seule qui put vraiment inquiéter Nicolas Sarkozy au cours de sa carrière – fut révélée par le Canard Enchaîné en pleine campagne présidentielle de 2007 et concernait les conditions d’achat par Nicolas Sarkozy d’un luxueux duplex à Neuilly sur la très cotée île de la Jatte.

Or, Courroye classa – au grand soulagement de son « ami » – sans suite l’enquête préliminaire de police.

Anecdote qui permet de mieux savourer les mots du Président au sujet du procureur: « On nous reproche de nous connaître, mais cela ne l’a pas empêché de faire son métier, ni moi le mien. »

D’aucuns soulignent aussi les limites du rôle de procureur: les interrogatoires peuvent se faire sans avocat, les perquisitions doivent se faire avec l’accord des personnes interrogées (!), enfin ce dernier n’est pas compétent pour déclencher des enquêtes hors de France. Gênant dans une affaire qui a été déclenchée par des soupçons d’évasion fiscale, en Suisse notamment.

Tout le monde a aussi noté le peu de cas que le procureur semblait faire du secret de l’enquête, et de nombreux journalistes ont souligné l’exceptionnelle facilité à se procurer les comptes-rendus d’interrogatoires.  Comptes-rendus transmis directement à l’Elysée et retransmis dans leur version épurée par Guéant aux journalistes (voir à ce titre la pétition des journalistes du Figaro, estimant que le journal avait été manipulé pour « blanchir » Eric Woerth).

Ces soupçons sont bien-sûr renforcés par le statut même de la fonction de procureur, hiérarchiquement rattaché à l’exécutif.

Enfin, le tableau ne serait pas complet sans mentionner la guerre de tranchée dans laquelle sont engagés le procureur Courroye et sa collègue la juge Prévost-Deprez, guerre qui n’apparaît digne, ni de leur âge, ni de leurs fonctions et qui a fini par transformer le  tribunal de Nanterre en une vaste cour de récréation.

La juge se prépare donc à enquêter sur les mêmes affaires que son collègue, quitte à arriver à des conclusions différentes tandis que ce dernier fait tout pour protéger son pré-carré et éviter un dessaisissement de l’affaire. A ce rythme, on ne pourrait que conseiller à Claire Thibout de prendre un meublé à Nanterre pour les trois prochains mois.

Un tribunal transformé en champ de mines, un procureur impliqué dans l’affaire, proche du chef de l’Etat et rattaché à l’exécutif de par sa fonction, une procédure limitant le cadre de l’enquête, mais idéale pour classer l’affaire. Tel est le cadre qui abritera l’enquête sur un éventuel conflit d’intérêt de la part d’un ministre, sur le financement de la campagne du Président, en bref sur ce que l’on considère déjà comme la plus sérieuse affaire du quinquennat Sarkozy.

Le tableau affligeant offert par une quelconque république bananière ?

Non, beaucoup plus proche de nous: l’exercice de la Justice en l’an 3 de la République Irréprochable de Nicolas Sarkozy.

Eva Joly: pourquoi Courroye ne peut enquêter dans l’affaire Bettencourt

18 juillet 2010 Laisser un commentaire

Explications de l’ex-juge Eva Joly sur les doutes et limites qui portent sur les enquêtes que le juge Courroye est en train de mener seul dans l’affaire Woerth-Bettencourt.

« Courroye a très peur d’aller au fond des choses »,

Eva  Joly, dans l’émission « Arrêt sur Images »

Pétition Mediapart pour une justice indépendante

14 juillet 2010 8 commentaires

Mediapart lance une pétition en ligne pour une justice indépendante et l’ouverture d’une instruction dans le cadre des affaires Bettencourt.

Petition Justice Independante Mediapart

Sur le même thème, voir l’interview d’Arnaud Montebourg: « (le PS doit) saisir la justice ».

« Je n’ai jamais eu à faire à la justice » : le mensonge de Sarko sur France2

13 juillet 2010 Laisser un commentaire

S’il est vrai que Sarko – avocat de formation – a plutôt eu moins à faire à la justice que ses illustres aînés (Chirac, Pasqua), une affaire d’appartement a toutefois fait l’objet d’une enquête judiciaire.

Tout occupé qu’il était à démontrer son honnêteté et celle de son ministre, Sarko a soutenu qu’il n’avait jamais eu à faire à la justice. Une affirmation à modérer.

L’affaire en question éclate pendant la campagne présidentielle, quand le Canard révèle que Nicolas Sarkozy aurait accordé à un promoteur immobilier (Lasserre) un rabais de 775 000 euros pour l’achat de terrains en vue de la réalisation d’un programme immobilier, puis bénéficié lui-même d’une ristourne de 300 000 euros sur l’achat d’un duplex sur l’île de la Jatte, à Neuilly-sur-Seine (92), alors qu’il était maire de la ville. Or, du fait de son mandat, il ne pouvait conclure une affaire privée avec un promoteur en contrat avec la municipalité. En droit, cette pratique est qualifiée de délit de prise illégale d’intérêt, une infraction passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.

Une plainte (voir document), fondée uniquement sur l’article du Canard Enchaîné, est alors déposée par un particulier parisien, Marc Salomone.

Philippe Courroye (le juge chargé de l’affaire Woerth-Bettencourt, nous en reparlerons), tout juste nommé procureur du tribunal de Nanterre, s’en saisit. Mais ce dernier est fortement suspecté d’avoir tout mis en oeuvre pour étouffer l’affaire qui salirait la réputation de Nicolas Sarkozy, alors en campagne pour la présidence de la République. L’affaire sera opportunément classée sans suite par le parquet en octobre 2007.

Nicolas Sarkozy a bien eu à faire à la justice. Mais son « ami » Courroye l’a blanchi. CQFD.

voir aussi: « Prospérité et décadence du groupe immobilier Lasserre à Neuilly », Le Monde | 02.05.07

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