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Archive for juin 2010

Faut-il sauver ou supprimer le soldat Woerth ?

30 juin 2010 4 commentaires

Alors que des voix commencent à se faire entendre à droite, comme celles d’Alain Juppé, de Dominique de Villepin et de Christine Lagarde, reconnaissant à mi-mot le conflit d’intérêt lié à la double casquette d’Eric Woerth en tant que conseiller de l’UMP et ministre du Budget, Le Canard revient dans sa livraison de ce matin sur d’autres affaires troublantes impliquant Eric Woerth, chargeant par la même occasion une barque déjà lourde.

Dans la famille « emplois fictifs et conflits d’intérêt », on apprend qu’un certain Eric Le Moyne de Sérigny, aristocrate proche d’Eric Woerth, a été nommé au ministère du Budget, avec le titre ronflant de « Conseiller en charge des relations avec le monde économique auprès du ministre », sans qu’aucune annonce ne soit faite au Journal Officiel. Ce même Moyne de Sérigny a ensuite suivi son patron au ministère du Travail, sans que ces attributions y soient plus claires. On peut se demander quel intérêt il y avait à transférer notre aristocrate bon teint au ministère du Travail ?

Tout s’éclaire quand on apprend que ce dernier joue un rôle essentiel dans la seconde vie d’Eric Woerth, celle où notre ministre est trésorier de l’UMP : il est en effet responsable du « Premier Cercle », les donateurs « VIP » de l’UMP (ceux qui ont versé plus de 3 000 euros au parti de Sarkozy). Et est même décrit par un financier contributeur de l’UMP comme « l’homme orchestre qui s’occupe de mettre les industriels en relation avec le ministre (trésorier) ». Le tout au frais du contribuable, mais passons. On notera aussi avec intérêt que Mr de Sérigny exerçait en même temps que son passage au ministère du budget des fonctions chez un gestionnaire de fortune… Histoire de faire profiter à ses clients de clémence fiscale, ou leur proposer des donations à l’UMP – déductibles des impôts ?

Dans la famille « conflit d’intérêt », Le Canard, cruel, continue et se penche sur le passé de Mr Woerth. Ce dernier avait commencé sa carrière politique à l’Agence de Développement de l’Oise (ADO), sous les bons auspices du RPR Jean-François Mancel, alors Président du conseil général de l’Oise, gestion pour laquelle ce dernier fut plus tard condamné pour « prise illégale d’intérêt » (mais c’est une autre affaire). A peine arrivé, Eric Woerth s’adjoint-il à son poste les services de la très fameuse Yvonne Casetta, célèbre « banquière » de la Chiraquie des années 80 et 90, qui fut plus tard condamnée en correctionnelle dans l’affaire des marchés publics d’Ile de France à 20 mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende pour complicité et recel de corruption.

Mais Eric Woerth réalise d’autres prouesses à ce poste, à commencer par s’augmenter de 44% en 1992, et s’attribuer une voiture de fonction. Enfin, il fait régler par l’agence des frais d’avocat pour un litige qui suivant les magistrats qui auditeront la gestion de l’ADO « n’avait qu’un caractère personnel », des honoraires illégaux au directeur adjoint du département, les énormes dépenses liées aux voyages à l’étranger de Jean-François Mancel, ainsi que des déjeuners dans de ruineux restaurants parisiens. Son fait d’armes restant toutefois l’attribution de marchés publics à une société proche des affaires personnelles de son parrain Mancel – affaire pour laquelle ce dernier sera condamné.

Enfin, et là nous sommes en plein conflit d’intérêt, Mr Woerth commande à ce poste des études diverses et variées, comme celle sur « les comportements face à la brosse à cheveux » ou encore celle sur la « revalorisation des déchets et rebuts de pomme », sans compter une étude qui sera jugée de qualité médiocre par les magistrats mais avait au moins le bon goût d’avoir été commandé à l’ex-employeur du futur ministre !

Enfin, le tableau ne serait pas complet sans mentionner la réservation de 10 places faite par le futur ministre (à 300 euros la place, payées par le contribuable) pour un « dîner pour la France », organisé pour la campagne de 1988 de Jacques Chirac.

Last but not least, notre ministre proche des très riches et puissants, doit désormais compter avec une autre affaire : la succession Wildenstein, opposant une riche veuve à ses fils. Dans cette affaire, une grande partie de la fortune du défunt Wildenstein avait été dissimulé dans des paradis fiscaux, cachée à la veuve mais avec l’aval des fils. Or, malgré les avertissements au fisc des avocats de la veuve, aucun contrôle n’a été déclenché, alors que Woerth menait une guerre qu’on nous disait sans merci contre l’évasion fiscale. Etrange, mais bien moins étonnant lorsqu’on apprend que le cadet des Wildenstein, auquel bénéficiaient ces montages, se trouve être un membre fondateur de l’UMP, un habitué des courses de Chantilly (dont Mr Woerth est maire), un « ami » de Sarkozy, et fut en 2007 – pompeusement – le « délégué de l’UMP pour la côte Est des Etats-Unis ». Si l’ensemble s’éclaircit, c’est la barque du soldat Woerth qui apparaît de plus en plus chargée.

Alors, Monsieur le Président, peut-on encore sauver le soldat Woerth ?

Les lingots du ministre-trésorier Woerth

30 juin 2010 Laisser un commentaire

On croyait Woerth ennuyeux et plat, nouveau Juppé du gouvernement, on est en train de découvrir à la lumière des affaires qui déferlent sur lui son sens de l’humour bien à lui et son don pour les espiègleries.

Dernière facétie en date du ministre-trésorier : des arrangements louches avec les lingots de Robert Peugeot.

Le JDD a ainsi révélé que ce dernier, aurait été victime en 2009 d’un cambriolage, au cours duquel on lui aurait dérobé 500 000 euros en…lingots d’or (eh oui, on a beau être l’héritier d’une des plus grandes dynasties industrielles françaises, on n’en garde pas moins de solides réflexes d’Harpagon !). Coïncidence étrange, notre Harpagon aurait organisé un dîner quelques jours après avec notre multi-casquetté trésorier de l’UMP et – à l’époque Ministre du Budget pour, toujours d’après le JDD, parer à l’éventualité d’un contrôle fiscal. D’ailleurs, après ce dîner, le montant du vol déclaré à la police aurait comme par enchantement fondu, passant d’un demi-million d’euros à 150 000 euros, évitant ainsi à notre héritier les désagréments de la curiosité trop appuyée du fisc.

Affaire d’autant plus étrange quand on apprend que Robert Peugeot a été décoré en juin de la Légion d’Honneur par un certain…Eric Woerth, comme le fut en son temps Philippe de Maistre, employeur de la femme du ministre, et gestionnaire de fortune de la délinquante fiscale malgré elle Liliane de Bettencourt, elle-même contributrice de la campagne électorale d’un certain Eric Woerth et donatrice de l’UMP, dont le trésorier n’est autre que le même Eric Woerth.

Mr Woerth a passé le week-end à se défendre, rangeant provisoirement au placard sa réforme phare des retraites. Toutefois, malgré son tempérament et sa détermination à se défendre, la corde semble chaque jour un peu plus se resserrer autour du cou du ministre, qui apparaît pour la Droite comme un soldat de moins en moins sauvable.

Soutenez notre loi, la République soutiendra votre foi

29 juin 2010 Laisser un commentaire

C’est à peu-près le discours qu’a tenu François Fillon aux représentants de la communauté musulmane réunis pour l’inauguration d’une mosquée à Argenteuil ce lundi 28 juin.

Passant allégrement sur le fait que la France reste jusqu’à preuve du contraire un pays laïque, même sous le règne de Sarkozy, ce qui va à l’encontre de la présence d’un chef de gouvernement à l’inauguration d’un lieu de culte, le Premier Ministre a prononcé un discours « rassurant et apaisant » envers la communauté musulmane, échaudée ces derniers mois par les débats parfois violents sur l’identité nationale et le port du niqab.

Ce qui ressemble bizarrement à un échange de bons procédés : une attention particulière aux lieux de culte musulmans en échange d’un soutien à la loi contre le port du niqab, à quelques jours de l’ouverture du débat au Parlement. Le tout, dans une ville où Nicolas Sarkozy avait promis de « nettoyer la racaille » en 2005 et en l’absence remarquée de Brice Hortefeux, ministre des cultes et premier ministre de l’Histoire de la Vème République condamné pour injures racicstes (visant explicitement les « arabes » dans la bouche du ministre).

A souffler le froid et le chaud auprès de la communauté musulmane, s’en servant tantôt comme d’un repoussoir, tantôt comme d’un caution, la Droite joue là un jeu dangereux…Espérons que les électeurs s’y retrouvent. Nous, on est plutôt sceptiques.

Nic’ et Carla s’envoient en l’air pour 176 millions d’euros

27 juin 2010 2 commentaires

Vouloir jouer dans la cour des grands finit par coûter cher à la longue. C’est ce que l’on apprend dans la dernière livraison du Parisien qui détaille les coûts du futur avion présidentiel exigé par Sarko : 176 millions d’euros au total. Pulvérisés les derniers records des ministres Estrosi et Joyandet, qui petits joueurs, affrètent des jets privés mais arrivent péniblement à 170 000 euros chacun. Mais si l’on y réfléchit bien, quoi de plus naturel qu’un rapport de 1 à 1 000 entre ses ministres et notre Omniprésident ?

176 millions d’euros, c’est en cette période de rigueur qui n’ose dire son nom, le prix que coûtera au contribuable le dernier caprice « bling-bling » de Sarkozy, qui a exigé de disposer d’un nouvel avion présidentiel, les avions actuellement mis à disposition de l’Elysée ne permettant pas de rallier La Réunion ou Mayotte en une seule traite. L’injustice est réparée et pour cette modique somme, Carla pourra désormais emprunter un vol « Air Sarko » en cas d’enregistrement ou de tournage inopinés à LA…Victoires inestimables pour la musique et le 7e Art !

Que trouve-t-on, vous demanderez-vous, pour cette somme dans le nouveau palace volant des époux bling-bling ? Une soixantaine de fauteuils business , une grande salle de réunion, une chambre, une vraie douche présidentielle (au cas où il prendrait à Chouchou l’envie de faire un footing en vol), et enfin une mini-salle d’opération (en cas de malaise vagal). Côté technologie (fax, téléphone, ordinateur), on n’est plus à l’air du « mulot » et le dernier cri a été retenu pour les vols « Air Sarko » : les passagers auront notamment la possibilité de surfer sur le Net à 10000 m d’altitude. Enfin, en cas de passage au-dessus de pays de l’Axe du Mal particulièrement mal intentionnés ce jour-là, la carlingue a été renforcée et l’avion sera équipé d’un système de leurre antimissiles (mais cette mesure est-elle nécessaire, Sarko ressemblant si peu à un Président ?).

Les grincheux nous parlent de rigueur. Allons, bon, cessez ces plaintes stériles et revenez à la raison : n’est-il rien de trop beau quand il s’agit pour nos deux tourtereaux de s’envoyer en l’air ?

Affaire Bettencourt : Woerth s’emmêle les casquettes

27 juin 2010 2 commentaires

Ce qui avait débuté comme une sordide affaire de famille et de gros sous est en train de se transformer en affaire d’Etat, impliquant le ministre le plus en vue du moment, Eric Woerth, en charge de l’explosive réforme des retraites dont on imagine que ce dernier se serait bien passé d’un tel scandale en ce moment.

Depuis la semaine dernière, le procès entre sa fille et l’héritière de L’Oréal, Liliane Bettencourt est en effet devenu affaire d’Etat, après la publication par le site Mediapart d’enregistrements effectués à l’insu de l’héritière par son (fidèle) maître d’hôtel. L’affaire Bettencourt quittait définitivement les pages « people » pour les pages « politique ». Et une sordide affaire de gros sous opposant une mère soupçonnée de ne plus trop avoir toutes ses facultés à sa fille bien déterminée à récupérer sa part du magot du géant mondial des cosmétiques menaçait de faire tanguer violemment le gouvernement (la majeure partie de la fortune de Liliane Bettencourt provient d’actions L’Oréal, société fondée par son père Eugène Schueller, grand industriel qui n’eut pas de trop de ses connaissances en maquillage pour dissimuler à la Libération ses sombres accointances avec des groupuscules d’extrême-droite pendant la Guerre).

Que ressort-il de ces écoutes ? Que Liliane Bettencourt a au mieux perdu le fil de ses affaires, au pire vit sous l’emprise de son entourage qui met autant d’énergie à servir la vieille femme qu’à s’en servir.

Mais le plus dérangeant est le mélange des genres que révèlent ces écoutes : Florence Woerth, la femme du ministre, était jusqu’à sa démission la semaine dernière, employée par la structure qui gérait les avoirs de Mme Bettencourt, et aurait – d’après le conseiller de Mme Bettencourt – été embauchée à la demande du ministre Woerth lui-même, alors ministre du Budget et trésorier de l’UMP. On apprend ensuite que Liliane Bettencourt possède des avoirs à l’étranger (des comptes en Suisse, une île aux Seychelles…), participant – bien malgré elle certainement – à l’évasion fiscale que le mari de Mme Woerth se faisait fort d’éradiquer lors de son passage au budget (on se souvient de sa fameuse liste d’évadés fiscaux). On ne peut pas imaginer plus gros comme conflit d’intérêt au sein du couple Woerth: Florence employée de la structure orchestrant la fraude fiscale, Eric de son côté faisant semblant de chasser la fraude de l’employeur de sa femme. Le tableau n’est toutefois pas complet si l’on ne mentionne pas que Patrice de Maistre, le fielleux conseiller de Mme Bettencourt (qui rêvait que Liliane lui offrît un voilier), reçut la Légion d’Honneur des mains…d’Eric Woerth en 2008. Un ministre décorant le patron de sa femme, c’est assez « république bananière ». Dans le contexte des fonctions de Mme Woerth et des acrobaties fiscales de l’employeur de la femme du ministre, voilà qui a encore plus de piquant et qui mène à se poser la question d’une éventuelle dette du ministre envers le conseiller. Voilà pour la casquette de ministre du Budget d’Eric Woerth.

La seconde casquette d’Eric Woerth – celle de trésorier de l’UMP – pose encore plus de problèmes : il est en effet fait état dans ces retranscriptions de participation de Liliane Bettencourt aux campagnes de Valérie Pécresse, de Nicolas Sarkozy et …d’Eric Woerth lui-même. Là encore, ressurgit le conflit d’intérêt dans toute sa splendeur : Eric Woerth – le trésorier de l’UMP – n’aurait-il pas été tenté pour sécuriser l’apport de fonds que représentait Liliane Bettencourt de limiter les ardeurs d’Eric Woerth le ministre du budget dans l’étude des irrégularités du dossier fiscal de l’héritière de l’Oréal ?

Enfin, et ce sera un argument contre ceux qui prétendent que la justice est indépendante en France, on est surpris de voir que c’est Patrick Ouart – le conseiller pour les affaires juridiques de l’Elysée – qui annonce, plusieurs semaines avant le jugement, la décision de justice au conseiller de Liliane Bettencourt de classer l’affaire opposant Mme Bettencourt à sa fille. Mais personne ne semble s’être inquiété de cette entorse à la séparation des pouvoirs…tant il est vrai qu’il y avait déjà tant à faire sur d’autres fronts.

Chacun de ces éléments pris séparément aurait suffi dans n’importe quelle démocratie digne de ce nom à faire sauter ledit ministre, si ce n’est le gouvernement. Point sous nos cieux, où l’on a fait démissionner la pauvre Florence Woerth – tout en hurlant de l’autre côté à l’atteinte aux droits d’une femme de ministre de mener carrière ! – et où la Droite est montée au créneau pour défendre le soldat Woerth, criant à l’unisson au complot, Fillon, pourtant peu enclin à la surenchère verbale allant même jusqu’à accuser les « chiens » de sinistre mémoire (terme qu’avait utilisé Mitterrand pour désigner les journalistes après la mort de Pierre Bérégovoy). Notre omniprésident, lui, de rester silencieux, trop occupé qu’il était à soigner les blessures narcissiques du multi-millionnaire Thierry Henry, à convoquer des Etats Généraux du Football Français et à organiser une aussi incompréhensible que brève visite à la cité des 4000 à La Courneuve.

Conflits d’intérêts, évasion fiscale, attribution douteuse de décorations…Ainsi va la vie politique, à Brazzaville-sur-Seine sous le règne de Nicolas Sarkozy, lui qui il n’y a pas si longtemps nous déclarait vouloir une « République irréprochable » (video).

Sarkozy : leurs buts valent plus que vos retraites

25 juin 2010 1 commentaire

On croit rêver : le jour où la France manifeste contre les retraites, Sarko ne trouve rien d’autre à faire que de recevoir à l’Elysée…Thierry Henry, représentant d’une nouvelle race inédite que seule la France pouvait inventer : les millionnaires chômeurs.

Pendant que Henry se plaignait auprès de notre Omniprésident du fait qu’on avait été méchant avec lui, qu’il y avait un traître dans l’équipe, qu’on avait osé lui demander de bien vouloir daigner shooter dans une baballe – et autres balivernes du niveau d’une cour de récréation de primaire, la France défilait, réclamant des aménagements au plan de retraite présenté par le gouvernement.

Que Sarkozy aime le foot, c’est son droit le plus inaliénable. Mais on notera que le parvenu de l’Elysée a pour écouter les doléances du sportif dû décaler un rendez-vous avec une ONG, et qu’il avait déjà décommandé la Présidente suisse pour cause de match France-Afrique, cet épisode faisant d’ailleurs étrangement écho à la politique de la chaise vide d’Angela Merkel d’il y a quelques semaines (cf. article). Si l’on voulait faire du mauvais esprit, on tenterait comme explication que le Président s’est ainsi vengé – à la façon d’un sale gosse complexé – d’Angela, la suissesse payant l’affront de l’allemande.

Mais l’intérêt de Sarko pour le foot ne s’arrête pas là : qu’apprend-on ? Que notre omniprésident vient de convoquer des Etats Généraux du Football à la rentrée – bizarrement à peu-près à la même époque où le texte des retraites passera devant le Parlement. L’occasion de débats stratégiques pour l’avenir de la France à un moment où le déficit explose et où Christine Lagarde est la seule à voir la reprise, le tout placé sous les auspices de nos deux inénarrables pom-pom girls du gouvernement, les Laurel et Hardy du football français, Rama Yade et Roselyne Bachelot.

Bref, pour employer une métaphore dont on est sûr qu’il puisse la comprendre, Sarko vient encore de nous démontrer de façon éclatante qu’il était aussi loin de la stature présidentielle que l’équipe de France de football d’un but.

Le fumeux Mr Blanc

25 juin 2010 2 commentaires

Autant son projet de Grand Paris brille-t-il par son retard à se concrétiser, autant pour ce qui est des polémiques, Christian Blanc s’affiche-t-il déjà comme l’un des meilleurs élèves du Gouvernement.

Résumons : il y a deux semaines, Le Canard révélait que Mr Blanc avait été sommé par le fisc de s’expliquer avant le 30 juillet sur ses diverses déclarations d’impôt sur le revenu et d’ISF de 2004 à 2009. Ceci s’avérait d’autant plus gênant que tous les membres du Gouvernement sont censés se mettre en règle avec le fisc au moment de leur nomination, ce que visiblement le Secrétaire d’Etat n’a pas jugé utile de faire.

Mais le plus savoureux était encore à venir : dans sa livraison suivante, Le Canard révélait que Christian Blanc s’était fait payer pour…12 000 euros de cigares par l’Etat. Désavoué par l’ensemble de la classe politique dont certains membres de son camp (Christine Lagarde et Xavier Bertrand), le Secrétaire d’Etat s’est alors enlisé dans une défense aussi grotesque que scabreuse : accusant son ex-Directeur de Cabinet tout d’abord d’être à l’origine des fuites (oubliant au passage que l’origine des fuites ne retire rien à la réalité des faits), puis d’avoir bénéficié lui aussi des cigares, enfin après de savants calculs sur sa consommation personnelle, acceptant de rembourser une partie de cette somme (4500 euros).

Las, on murmure que cette affaire a agacée jusqu’au plus petit d’entre tous. Et Fillon lui-même vient de désavouer son Secrétaire d’Etat, le mettant publiquement en demeure de rembourser l’intégralité des 12 000 euros.

Bref, il semblerait que les cigares ne réussissent pas à nos hommes d’Etat. Clinton faillit y laisser sa présidence, Christian Blanc risque bien d’y laisser sa place. Gageons que la perte sera moindre…

L’humour chez les potes de Carla, on connaît pas

24 juin 2010 1 commentaire

On le pressentait depuis plusieurs mois, c’est désormais officiel : Val et Hees, les directeurs de France Inter et Radio France, proches de Carla Sarkozy et nommés par le mari de cette dernière, ont fait le ménage dans les programmes de France Inter. La sentence est tombée ce matin : il n’y aura plus d’humour sur les ondes du service public. Stéphane Guillon et Didier Porte n’officieront plus à la rentrée prochaine.

Et tant pis pour ceux qui suivaient avec plaisir et se délectaient des chroniques des deux comiques, ne parlons pas de ceux qui sont d’avis que la liberté d’expression est chose sacrée en démocratie…

Les raisons invoquées pour ces licenciements sont floues, mais on note chez les deux hommes le désir de venger leur honneur qu’ils estiment bafoué par les deux comiques. Ainsi, Philippe Val de déclarer : « C’était une atteinte à notre honneur et à notre considération en permanence. ». Mots savoureux dans la bouche de celui qui a tant médiatisé son procès sur la liberté de la presse lors des caricatures de Mahomet…

La décision que Hees a annoncée dans le journal Le Monde – sans en parler aux intéressés, suprême élégance – a été condamnée unanimement par la classe politique, de Martine Aubry à François Bayrou. Gageons que ceci soit de peu d’effet, tant on se doute qu’il est plus important aux yeux des deux laquais du service public, à l’approche de l’échéance de 2012, de présenter des ondes lisses et favorables au Maître qui les a faits que de plaire à l’opposition.

Et pourquoi pas « Cass’toi pauv’con ? »

22 juin 2010 Laisser un commentaire

La France, qui vient d’apprendre que la retraite à 60 ans n’est plus qu’un lointain souvenir, et qui se doute bien qu’elle doit se préparer à une vague de rigueur dont par peur on ne parle qu’à la presse étrangère (cf. l’interview de Guéant au Financial Times), s’est enfoncée un peu plus bas dans la dépression collective ce week-end avec le fiasco des Bleus, aucune vuvuzela n’étant assez puissante pour crier la honte et la déception des supporters.

Tout le monde connaît les faits : les insultes à l’entraîneur, les fuites dans la presse, l’éviction de l’homme sandwich de Quick (Anelka), la conférence de presse surréaliste durant laquelle le capitaine de l’équipe exposa sa thèse du « traître ». Le tout couronné par le summum du ridicule : les joueurs payés des millions d’euros légitimant leur droit de grève par l’obligation de défendre leur honneur bafoué (Au moins Zidane – désormais sagement recyclé en porte-bagages Vuitton coûtait-il moins cher avec ses coups de boule, quand il s’agissait de défendre son honneur), à un moment où leurs compatriotes tentent vainement d’exercer le leur pour défendre leurs retraites…

Le sentiment qui subsiste de cette mascarade, c’est l’erreur de casting flagrante, cette idée que les joueurs ne sont ni à la hauteur de la tâche qui leur incombe, ni dignes de l’honneur qui leur est fait de défendre les couleurs de la France.

Ce qui frappe ensuite, c’est tout l’argent misé sur cette poignée de joueurs au sang chaud et à l’honneur chatouilleux. Et il semble que nourris trop vite et trop jeunes à coups de centaines de milliers d’euros, ces derniers aient tout simplement pourri sur pied, pour venir collectivement rendre leur dernier souffle en Mondiovision dans la patrie de Nelson Mandela.

Enfin, on reste interdit devant la vulgarité et la morgue de ces joueurs, et le niveau de leurs insultes.

C’est étrange, mais un acteur sous-dimensionné pour la tâche, le bling-bling et l’argent érigés comme valeurs cardinales, et les insultes comme seul recours devant l’adversité, n’a-t-on pas déjà vu ça au plus haut de l’Etat ? Casse-toi pauv’con, ça ne vous attriste pas plus que l’insulte faite à l’insignifiant Domenech ?

De l’indépendance de la Presse

19 juin 2010 1 commentaire

Il est quelques principes qui sont plus que des vains mots et qu’il est bon de rappeler de temps en temps en démocratie : la séparation des pouvoirs, le sens de l’Etat, l’indépendance de la Presse, entre autres.

Cette dernière vient d’être sérieusement mise à mal par Nicolas Sarkozy qui – toujours prêt à se hisser plus haut que la nature ne lui autorise – s’est arrogé le droit de donner son avis sur les choix des repreneurs du groupe LeMonde (LeMonde, Le Monde Diplomatique, Télérama, LePost.fr, Courrier International…).

Imagine-t-on les réactions si Obama, Cameron ou Merkel se mêlaient des affaires du New York Times, du Guardian ou de la FAZ, essayant de pousser des repreneurs qu’ils jugeraient plus en accord avec leur ligne éditoriale ? C’est bien simple, ces leaders ne joueraient jamais à un jeu pareil tant l’indépendance de leurs medias n’est pas un vain mot dans ces pays.

En France, au pays de Sarkozy l’omnipotent – qui a déjà fait modifier la loi pour pouvoir nommer des patrons de l’audiovisuel public « sarko-compatibles » – rien n’est impossible au souverain. Ce dernier n’a en effet pas hésité, suivant la Société des Rédacteurs du Monde, à appeler le patron du quotidien, pour critiquer le trio de repreneurs Bergé-Pigasse-Niel, jugé trop à gauche selon lui, allant même jusqu’à qualifier Xavier Niel d’homme du peep-show (la première des affaires de ce dernier était dans le minitel rose). Continuant sur sa lancée, il n’aurait pas hésité selon lepoint.fr à menacer de ne pas accorder d’aides d’Etat à l’Imprimerie du Monde si le trio était choisi.

Mais comme les choses sont bien faites à la cour du Souverain, la suite devait le rasséréner. Orange annonçait en effet, à la surprise générale, cette semaine son intention d’entrer dans la compétition aux côtés du deuxième repreneur potentiel, Claude Perdriel, président du groupe Nouvel Observateur. Rappelons que le PDG d’Orange n’est autre que Stéphane Richard, ex-Directeur de Cabinet de Christine Lagarde et proche de Sarkozy, qui lui a remis sa Légion d’Honneur, concluant par ces paroles restées mythiques : « «Tu as réussi, Stéphane. Tu es riche. Tu as une belle maison. Tu as une belle femme». Qu’importe que cette prise de participation dans Le Monde s’inscrive à 180° de la stratégie de sortie des contenus dont Richard se fait l’avocat depuis son arrivée à la tête de l’ex-opérateur historique… Cette option nous rassure, tant il est vrai qu’avec un obligé du Président à sa tête, Le Monde risque d’être beaucoup moins offensif.

Résumons : TF1 aux mains du parrain du mariage avec Cecilia (Martin Bouygues), un nouveau président choisi par Sarkozy à la télévision publique, Radio France aux mains de proches de Carla, les Echos chez Bernard Arnault, le second témoin du deuxième mariage, Le Monde prié de filer droit et chaperonné par Stéphane Richard, le tout sous la bénédiction d’un Président n’hésitant pas à utiliser des subventions publiques pour orienter le ton des éditoriaux…

2012 sera bleue ou ne sera pas !