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Le vrai problème dans l’affaire Woerth-Bettencourt

9 juillet 2010 4 commentaires

Le vrai problème de l’affaire Woerth-Bettencourt n’est pas tant la publication de révélations par le site Mediapart, mais bien l’incapacité dans laquelle est le régime de laisser se mettre en place une structure indépendante pour enquêter sur l’affaire.

L’unique axe de défense de la majorité – que l’on imagine orchestré en haut lieu par le cardinal noir Claude Guéant – a été jusqu’à présent de fustiger le site Mediapart et d’essayer de discréditer la presse qui s’est fait l’écho des diverses révélations dans l’affaire Woerth-Bettencourt.

Le site Mediapart a ainsi essuyé l’ensemble des critiques de la majorité ces derniers jours. Un thème qui revient en boucle (un élément de langage de plus défini par l’Elysée ?) est le « fascisme » que les méthodes de ce site rappelleraient. Ainsi, Xavier Bertrand d’évoquer des « méthodes fascistes » au sujet des écoutes publiées par Mediapart, suivi de près par la très nuancée Nadine Morano. Estrosi – ministre pourtant plombé par son aller-retour en jet privé pour assister au pot de Sarko et par ses deux appartements, dont l’un utilisé par sa fille – a profité de l’occasion pour se racheter une virginité, comparant la presse à l’origine des révélations à « celle des années 30 ».

On soulignera au passage l’ironie qu’il y a de la part d’une droite touchée d’amnésie à vouloir agiter le fantôme du fascisme et de la collaboration pour une affaire touchant une famille qui fut aussi intimement liée à la Cagoule que le fut la famille Bettencourt (le père – Eugène Schueller – tout comme le mari de Liliane Bettencourt ont été membres dans les années 30 et sous l’Occupation de la Cagoule, société secrète d’extrême-droite).

La vérité est que cet axe de défense ne tient pas un seul instant, et qu’il s’agit là d’un feu de paille censé faire oublier le vrai problème de cette affaire : l’incapacité du système démocratique français de garantir l’existence d’une enquête indépendante et impartiale sur les vraies questions que soulève cette affaire : le conflit d’intérêt possible dans lequel Eric Woerth se serait placé, les conditions d’embauche de sa femme, l’absence de contrôle fiscal de Mme Bettencourt pendant de nombreuses années, enfin le financement occulte de campagnes politiques.

Plusieurs enquêtes sont en cours, certes, mais aucune ne présente les qualités requises d’indépendance et d’impartialité pour permettre au pays de voir clair dans cette affaire aux multiples ramifications.

Qu’on en juge : l’enquête de l’IGF ? Déjà contestée de par son mode d’exécution : voir ici le résumé de l’article du Monde à ce sujet.

La justice ? Elle est représentée en la matière par le procureur Courroye, un magistrat dont la nomination en 2007 fut violemment contestée par le CSM, en lutte ouverte contre sa collègue le juge d’instruction Isabelle Prévost-Déprez, et de surcroît proche du Président de la République qui l’a décoré de l’Ordre National du Mérite et que ce dernier appelle « mon ami ». Autant de facteurs permettant de douter très sérieusement de l’indépendance de l’enquête que le procureur Courroye serait susceptible de mener. Et ce n’est pas par hasard si plusieurs leaders politiques dont Martine Aubry ont demandé le « dépaysement » de l’enquête (le fait de confier l’enquête à un autre tribunal).

La commission parlementaire ? Proposée par les socialistes (voir ici le texte de la proposition de résolution), elle a été acceptée sur le principe par Bernard Accoyer, mais l’Assemblée a refusé d’examiner la demande d’enquête le 6 juillet…repoussant d’autant la date de début de la commission d’enquête (pour mieux enterrer l’affaire ?).

On le voit, le problème n’est pas la presse – dont il faut garantir l’indépendance et qui constitue un contre-pouvoir indispensable dans une démocratie – mais bien l’incapacité du pouvoir à garantir une enquête indépendante et au-dessus de tout soupçon.

Or, n’en déplaise aux leaders de la majorité, seule une enquête indépendante et impartiale pourra faire se dissiper le climat de suspicion et de défiance dénoncé avec tant de fougue.

Sarko, Madoff français ?


Mais quelle émotion, n’a-t-elle pas déclenchée notre Martine nationale, en comparant Sarko à Madof !

L’objet du scandale : cette phrase, ciselée par Guillaume Bachelay, plume d’Aubry après avoir été celle de Fabius :

« J’ai un peu l’impression, quand Nicolas Sarkozy nous donne des leçons de maîtrise budgétaire, que c’est un peu M. Madoff qui administre quelques cours de comptabilité ».

Diantre, cela fait longtemps que l’on n’avait pas vu Martine aussi offensive, elle qui semblait ces derniers temps endormie à compter et recompter ses voix rue de Solférino. C’est désormais flagrant : Martine est de retour, dans son nouvel avatar de Jeanne d’Arc des acquis sociaux de Gauche. Et il va y avoir du sang si l’on veut bouter la Droite hors de l’Elysée.

Comme prévu, cette phrase, créée et ciselée à dessein, n’a pas manqué de faire mouche à Droite, et tous les ténors – des plus petits aux plus grands de se déchaîner pour montrer leur amour du Souverain, nous rappelant par la même occasion qu’il est des statues de Commandeur (fussent-ils à talonnettes) auxquelles on ne touche pas.

Revue des réactions, que nous ne nous abaisserons pas à classifier d’après leur qualité.

Le très « vierge effarouché » de Fréderic Lefebvre, porte-flingue attitré de l’UMP : « Les Français jugeront où est la vulgarité ».

Quant à notre ex-vendeur de café, impayable théoricien de la « France d’en-bas », et grand amateur de banalités en série, Jean-Pierre Raffarin, il affecte de prendre de la hauteur (pourvu qu’il n’en tombe pas !) et gratifie Martine d’un « blâme démocratique », s’arrogeant par-là même un rôle de juge de paix du débat démocratique que l’on ne savait pas que la Constitution lui accordait.

Enfin, l’ex-agent d’assurances Xavier Bertrand – thuriféraire du bon sens en action (à condition qu’elle soit de droite) – ce dernier se dit « profondément scandalisé », jugeant Martine « disqualifiée » pour son ambition présidentielle.

Plusieurs remarques : tout d’abord, on veut bien accorder à nos Pythies de l’UMP que Martine a peut-être eu la main un peu lourde à cette occasion. Que ce n’était pas très élégant, ni habile de comparer leur Nicolas Sarkozy à un escroc condamné à 150 ans de prison.

Ensuite, on renverra à ces saintes-nitouches ump-iennes – comme Guillon cette semaine – leur silence assourdissant lors de la mémorable gaffe de notre Brice national, rappelons-le un des plus hauts personnages de l’Etat et un des plus proches amis de Nic’.

On ne parle pas de leur silence gêné lors de l’affaire du « bruit et des odeurs » de Chirac. Ca c’est oublié, et Chirac est trois fois plus populaire que Sarko, depuis qu’il loge au frais d’une de ses riches connaissances.

Mais creusons et occupons-nous de la forme, plutôt que du fond. Que reproche réellement Martine à Sarko ?

De ne pas être un modèle de gestion des finances publiques et de creuser les déficits dans des proportions similaires à l’escroquerie de Madoff.

Or, sous Sarko, le déficit est passé de 2007 à 2009 de 1 200 à quasi 1 500 milliards d’euros, soit une détérioration de près de 300 milliards d’euros.

Madoff, lui, n’a fait disparaître que…41 milliards d’euros. Petit joueur !

1 Sarko vaudrait donc à peu-près 8 Madoff. Bravo l’artiste !

Si on voulait faire du Martine & Guillaume, et parler un langage qui parle plus au Président, on dirait qu’il y a la même différence, entre les arnaques de Madoff et Sarko, qu’entre les voix de Carla et de Tina Turner.

Enfin, souvenons-nous que le mécanisme mis en œuvre est exactement le même dans les deux cas chez Madoff et Sarko : Madoff n’a en effet constitué rien d’autre qu’une classique pyramide de Ponzi : les taux d’intérêts exceptionnels étaient versés aux investisseurs grâce à l’afflux de capitaux des nouveaux arrivants. En clair, une façon d’hypothéquer l’avenir des générations futures pour un gain ou des dépenses immédiates.

Ce qui est exactement ce que l’on fait quand on creuse des déficits, comme l’a fait Sarko et comme sont en train de nous le rappeler les marchés.

Last but not least, alors que Madoff a arnaqué des investisseurs institutionnels (banques, assurances, fonds de pension…), Sarko a accumulé une dette au nom de tous les Français, et que pour reprendre l’expression de notre cher Jean-Pierre tant bouleversé par les mots de Martine, c’est la France d’en-bas qui risque d’en supporter proportionnellement le poids le plus important, celle d’en haut étant déjà protégée par les multiples niches et le désormais fameux bouclier fiscal.

Alors, Mesdames, Messieurs de l’UMP, réjouissez-vous que Martine n’ait pas requis plus 300 ou 400 ans de prison pour votre héros !

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ENG :Martine Aubry, the first secretary of the PS (Socialist Party) caused a controversy amid the Right, by likening President Nicolas Sarkozy to Madoff for his management of French deficits.